lundi 22 juin 2009

Déclaration liminaire CGT à la réunion RGPP en préfecture du 28 mai

Monsieur le Préfet,


Après les fortes mobilisations des salariés enregistrées les 29 janvier et 19 mars derniers, après la journée historique du 1er mai tant en raison de l’unité des huit organisations syndicales, qu’en raison de l’ampleur de la mobilisation au travers de nombreux rassemblements dans toute la région, la journée d’action du 26 mai a témoigné de l’enracinement de la mobilisation et de la détermination des salariés, demandeurs d’emploi et retraités, à exprimer leurs revendications et à obtenir des réponses.
Le patronat et le gouvernement auraient tort de continuer à traiter par le déni et le mépris les revendications portées unitairement depuis le 05 janvier 2009 par les organisations syndicales dans un contexte de crise, de chômage, de licenciements, et de suppressions d’emplois.
Les politiques de fragilisation des services publics, dont la RGPP est emblématique, percutent de plein fouet une population régionale marquée par de fortes inégalités sociales :
- 20% de la population de moins de 65 ans y est en situation de pauvreté
- un habitant sur dix y vit dans un foyer dont le revenu annuel par individu est inférieur à 4.500€
- la moitié de la population du Nord/Pas-de-Calais vit dans un ménage au revenu annuel inférieur de 1.500€ par personne à celui mesuré en France (hors Ile de France).
- A l’opposé, un habitant sur dix réside dans une famille au revenu supérieur à 27.000€ par personne…


En préambule, il nous semble intéressant de mettre en perspective les deux citations qui suivent.

« - Le Gouvernement mène une réforme de l’Etat marquée par la responsabilité, la transparence et l’efficacité.
- Le Gouvernement réforme en fonction des attentes des citoyens et dans l’intérêt des agents. »
André SANTINI, discours sur la RGPP, forum Les Echos du 3 décembre 2008.

« La double pensée se place au cœur même [du système], puisque l’acte essentiel [des dirigeants] est d’employer la duperie consciente, tout en retenant la fermeté d’intention qui va de pair avec l’honnêteté véritable. Dire des mensonges délibérés tout en y croyant sincèrement […], tout cela est d’une indispensable nécessité. »
George ORWELL, 1984 (le roman de « Big Brother »)

S’agit-il dans la première citation de manipulation novlangue digne de 1984, ou juste de méthode Coué consistant à affirmer positivement ce qui ne peut être réalisé ; la vérité est sans doute intermédiaire.


Monsieur le Préfet,
Le cas du MEEDDAT est de ce point de vue particulièrement éclairant.

Né de la RGPP, elle-même issue d’objectifs arbitraires de réductions d’effectifs, le MEEDDAT est rattaché artificiellement, quelle aubaine, au Grenelle de l’Environnement. Puis les discours tentent à tout prix de faire coller la réalité aux affichages.

Or revendiquer une responsabilité écologique et sociale, une conscience de l’impératif changement nécessaire à la survie de l’espèce, et œuvrer concrètement dans le même temps à défaire les moyens d’actions conséquents, est une politique que nos enfants pourront qualifier de criminelle et terroriste.

En effet, au niveau national, de nombreuses actions et décisions mettent clairement et délibérément les services en situation d’échec, comme pour mieux démontrer leur incapacité et inutilité. Les services se réorganisent sans cesse. Les périmètres des missions, y compris et surtout des missions prioritaires du Grenelle, sont flous et indéfinis. Les grands viviers de compétences qui ont construit la solidité des anciens ministères fusionnés sont disloqués, dispersés, vidés de leur substance.

L’exemple du Réseau Scientifique et Technique de l’Équipement est frappant. Des têtes de réseau qui éditent les ouvrages supports des services déconcentrés, et centralisent l’expertise des implantations territoriales, sont arbitrairement et progressivement démantelés. Le SETRA (Service d’Études Technique des Routes et Autoroutes, dont le champ de compétence est bien plus vaste), pour ne citer que cet exemple, va par sa délocalisation se vider et mourir à petit feu. Avec lui les CETE (Centres d’Études Techniques de l’Équipement), en cours de restructuration pour cacher ces routes qu’on ne saurait voir malgré un plan de relance assez peu « Grenelle-compatible », risquent de péricliter. Et c’est tout ce support d’expertise technique, environnementale, normative, qui fera défaut aux services centraux et déconcentrés, pourtant dès aujourd’hui en sous effectif et en surrégime, dans l’indifférence totale des donneurs d’ordres même locaux, qui sont complètement déconnectés de la réalité de la production et des commandes à honorer par leurs services dans le cadre de leurs missions.
Le Fil Info du 18 mai, dans la lignée des efforts d’autocongratulation et de désinformation cités en préambule, nous dit :
« […] la très forte mobilisation du ministère […] a permis, à la fois de mettre en place un grand ministère unifié autour des enjeux du développement durable, organisé de façon intégrée et lisible, et axé sur plus de transversalité et d’efficacité collective; de focaliser le ministère sur ses fonctions de stratégie et de régulation et de réorienter ses moyens et ses compétences vers les missions prioritaires, issues principalement du Grenelle Environnement. »
Au niveau local, donc, la fusion DRE-DRIRE-DIREN, est, si l’on comprend bien, l’opportunité d’une convergence au service de l’environnement sur des missions très claires. Or la DREAL Nord Pas-de-Calais, aujourd’hui, dispose d’une image de façade portée à bout de bras par des efforts colossaux de communication, mais est dans sa réalité beaucoup plus chaotique et souffrante. Plus de 12% de vacance d’emploi sur la base d’effectifs dont on ne sait pas s’ils suffiront aux missions actuelles et supplémentaires. De moins en moins de support des structures ministérielles partenaires, elles aussi en souffrance. De plus en plus d’exigences et de commandes multiples provenant de tous niveaux. Des cadres complètement hors la loi tant ils portent à bout de souffle la structure sur leur temps personnel.
Il est dit que l’abandon de certaines missions profitera aux nouvelles. Par exemple, l’ingénierie publique dite « concurrentielle », dont les effectifs pourront être reconvertis et réorientés vers les postes Grenelle en DREAL ou DDT. Il y a une faille dans le raisonnement : un train sans destination se vide rapidement. Les postes en voie d’abandon sont de plus en plus vacants, l’effectif n’est donc déjà plus là.

Cela ne constitue malheureusement que certains exemples parmi tant d’autres. L’inspection du travail, les DDAS-DRAS, les DRAC et bien d’autres encore.

Les sommes colossales versées sans réelle contrepartie au secteur privé, pour soi-disant soutenir la relance, n’ont fait qu’aggraver la dette publique, ce qui va augmenter la pression sur la liquidation budgétaire du service public.
Cette programmation de la faiblesse et de l’inefficacité des services publics, dont ceux portés par le MEEDDAT, et qui sont les seuls gardes fous face à un marché dérégulé et destructeur tant au niveau social, écologique qu’économique comme le démontre la crise actuelle, montre qu’en réalité, on ne laissera pas la situation aller comme avant. Non, mais on la pousse à s’aggraver, toujours pour permettre à une minorité cynique l’accaparation et même le pillage des richesses et ressources de cette planète.
Face à la mondialisation derrière laquelle il est commode de situer notre impuissance consentie, la seule façon d’agir, est d’agir ici et maintenant, en montrant l’exemple d’un système régulé, contrôlé et agencé par une autorité publique experte au service des citoyens, actuels et futurs. Cela ne peut bien entendu rester cantonné aux limites de la France mais doit y commencer.


C’est pourquoi, les agents des fonctions publiques, qui sont aussi des citoyens responsables, expriment via leurs syndicats réunis les exigences suivantes :

· Ouverture d’un grand débat public sur ces enjeux de service public pour une mise en œuvre cohérente sur l’ensemble du territoire. Les services territoriaux : régionaux et départementaux doivent relever d’une même logique ministérielle.
· A ces missions doivent correspondre des moyens en emplois aujourd’hui insuffisants. A cette fin, le remplacement de tous les départs en retraite, la création d’emplois nécessaires pour répondre aux besoins et la formation des agents aux nouvelles missions sont indispensables.
· Le projet de loi sur la mobilité développe des outils pour une gestion managériale calquée sur le secteur privé. Il ne s’agit pas de répondre à l’aspiration légitime des personnels de pouvoir disposer du droit à la mobilité volontaire – ce que la CGT soutient - mais bien de mettre en place une autre fonction publique en s’attaquant aux droits des personnels et aux fondements même des garanties statutaires, et de la conception de la fonction publique qu’il sous-tend, issue du Conseil National de la Résistance pour des raisons historiques fondamentales. Ce type de gestion est inacceptable et irresponsable.
· Quid des organismes consultatifs de la Fonction publique ?
Les projets ont été élaborés par des bureaux d’études privés, sans aucunement consulter à quelque étape que ce soit les organisations syndicales. Les personnels ne sont pas associés aux réformes de leur propre service alors même que sont en jeu le devenir des missions et des emplois.
Les CTP sont saisis sectoriellement et a posteriori sur les nouvelles organisations (et parfois même plusieurs CTP seront réunis simultanément) mais il n’existe aujourd’hui aucune instance de concertation permettant aux personnels de s’exprimer sur l’ensemble de la politique engagée. Les CLIC (Commissions locales interministérielles de coordination) ne sont plus, de longue date, réunie. Il n’existe pas plus de lieux permettant d’engager les débats en amont des décisions et en cours de construction de celles-ci.
C’est pourquoi nous revendiquons la création d’une instance interministérielle de concertation au plan départemental et régional. Cette approche a été portée par toutes les organisations syndicales qui se sont exprimées lors de la COMMOD du 27 juin 2008, certaines demandant par exemple la réunion simultanée de tous les CTP concernés.


Monsieur le Préfet,

Pour toutes les raisons qui ont porté notre démonstration, et sur lesquelles il n’est pas possible de faire l’impasse, la CGT revendique :
Ø l’arrêt immédiat des suppressions d’emplois, le comblement des emplois vacants, la réduction des emplois précaires et la création de nouveaux emplois partout où ils s’avèrent nécessaires
Ø le maintien et le développement de services publics de proximité et de pleine compétence
Ø l’arrêt des projets de privatisation de La Poste et des externalisations de missions et de services
Ø le retrait des projets de loi « mobilité et parcours professionnels » et « hôpital, patient, santé, territoire »
Ø un moratoire complet sur la mise en place de la RGPP
Ø l’ouverture immédiate de négociations salariales centrées sur la valeur du point d’indice
Ø de véritables réponses aux revendications portées unitairement depuis le 05 janvier 2009 par les organisations syndicales.

Merci de votre attention.

Pour le comité régional CGT,

Jean-Marie MASSE Jean-Noël SAUSSOL

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